Sandokai (2)

Paul Hōjō Pichaureau

8 septembre 2023, 20 h

Sekitō était un disciple de maître Eno, le 6^ème^ patriarche. Il était entré assez jeune dans le monastère mais maître Eno était mort avant qu'il n'ait été ordonné moine. Il a été ordonné plus tard, puis il est allé s'installer dans une sorte d'ermitage, sur une grande pierre plate et c'est le nom qu'on lui a donné : Sekitō signifie « pierre plate ».

Il était très estimé. Maître Nangaku, qui avait un temple non loin de là, lui envoyait régulièrement des disciples, des moines. Et même si Sekitō n'avait pas l'intention d'avoir un temple, à force il a fini par en avoir un. Leurs temples respectifs étaient de part et d'autre d'un grand lac et l'on disait :

À l'ouest du fleuve vivait Baso Au sud du lac, Sekitō Les hommes allaient de l'un à l'autre Qui ne les avait rencontrés vivait dans l'ignorance.

Il s'agit là des tous débuts de notre école : ce sont les disciples d'Eno qui ont commencé à vraiment faire parler du chán, de l'école zen. Ce sont eux qui ont su les premiers exprimer l'originalité et la profondeur de notre pratique. Pas seulement en mots mais aussi par leur attitude, leur manière d'enseigner ou leur manière de répondre aux questions.

Par exemple un moine vint un jour demander à Sekitō : « Maître, comment doivent se comporter les moines ? ». Vous pouvez imaginer comment n'importe quel autre maître bouddhiste aurait répondu à cette question, même des maîtres zen d'aujourd'hui.

Sekitō répondit : « De quoi parles-tu, qu'est-ce que c'est ? ». Le moine précisa : « Je voudrais que vous m'enseigniez comment trouver la vérité ». Sekitō répondit alors : « Quand donc l'as-tu perdue ? ».

Dans ce genre d'échange, le moine qui pose la question a souvent l'air ignorant, à côté de la plaque. Alors qu'au contraire, les pratiquants du zen à cette époque étaient extrêmement sincères. Il y avait, à travers leur pratique et leur vie, l'intention profonde d'accomplir la voie du Bouddha. Leurs questions ne sont pas ignorantes, elles sont au contraire extrêmement authentiques et jaillissent du cœur. Comment dans ma vie de moine, en allant d'un temple à l'autre, puis-je trouver la vérité, comment faire ? La réponse de Sekitō n'est pas du tout cassante ou méprisante mais au contraire pleine de compassion. Si Sekitō s'exprime dans ces termes, c'est qu'il sait que le moine va très bien le comprendre.

« Quand donc as-tu perdu la vérité ? » Si tu veux pratiquer exactement, tu n'as qu'à pratiquer exactement. Si tu veux trouver la vérité, tu n'as qu'à pratiquer la vérité, c'est-à-dire, par la pratique de zazen, laisser ta nature de Bouddha s'exprimer librement en écartant les illusions. Illusion du comportement, illusion du moi, illusion de la vérité, laisse tomber tout cela.

Il n'est pas vraiment évident de poser ce genre de question, d'exposer son corps et son esprit de cette manière-là. Ce n'est pas une attitude que le social favorise de nos jours.

Mais nous qui avons pratiqué des sesshin et des journées de zazen nous pouvons comprendre cela.

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