« Qu'est-ce qu'un darani ? »

Paul Hōjō Pichaureau

6 janvier 2023, 19 h

Un jour un moine a demandé à maître Changsha[1] : « Qu’est-ce qu’un darani ? »

Un darani, comme le Daishin darani, est un soutra que l’on chante dans les cérémonies pour diriger la puissance de la cérémonie dans une certaine direction, pour aider les malades, pour exorciser les mauvais esprits. Ce n’est pas tout à a fait la réponse qu’attendait ce moine, bien sûr.

Alors un moine demande à maître Changsha : « Qu’est-ce qu’un darani ? »

Le maître répond : « Ce moine à ma gauche chante un darani.

— Qui d’autre chantent un darani ?

— Ce moine à ma droite chante un darani.

— Alors comment se fait-il que je ne les entende pas ? »

Tel que je comprends ce début d’histoire, ce début de kōan, ce que cherche le moine c’est une parole qui aide, une parole qui soulage, une parole qui enseigne. Le maître lui dit : « Mais ces paroles sont partout dans notre école. »

« Pourtant, dit le moine, je ne les entends pas. »

Et Changsha reprend : « Ne dit-on pas que le vrai chant ne produit aucun son, et que dans la vraie écoute, il n’y a pas d’audition ?

— D’accord, dit le moine, et pourtant même dans le monde pur du dharma il y a pourtant des sons, il y a des paroles qui aident, des enseignements. »

Alors Changsha conclut :

— Quitter le monde de la vision pour voir n’est pas une vue correcte, quitter le monde des sons pour écouter, c’est avoir l’ouïe défectueuse.

Ou, dit peut-être de manière plus compréhensible pour nous, pratiquer zazen pour comprendre les enseignements c’est avoir une vue défectueuse, ne pas voir les choses de la bonne façon. Pratiquer zazen pour écouter des kusen, pour comprendre l’enseignement, pour lire des livres qui nous font comprendre, qui nous font avancer, ce n’est pas du tout correct.

Bien sûr il faut étudier les maîtres. Mais pratiquer zazen pour étudier les maîtres, c’est comme être milliardaire et collectionner les coupons de réduction, c’est complètement idiot.

La pratique de zazen est bien au-delà de l’enseignement. Si vous pratiquez zazen, vous n’avez pas besoin de darani, vous n’avez pas besoin qu’un moine, un maître viennent vous aider à vous en sortir.

Dit encore autrement, il est naturel et spontané, en arrivant dans la pratique, d’essayer de faire rentrer le maximum de choses positives et de faire sortir le maximum de choses négatives de notre esprit. Ensuite, on abolit la séparation entre l’intérieur et l’extérieur, et ce mouvement de nettoyage apparaît assez vite vain.


  1. Changsha Jingcen (d. 868) parcourait la Chine en professant le Dharma. Il possédait un style d’enseignement extrêmement pointu et agressif. Maître Dōgen le cite relativement souvent dans le Shōbōgenzō. ↩︎

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