Mort ou vivant ?

Paul Hōjō Pichaureau

5 février 2023, 19 h

Maître Dōgo et maître étaient à une cérémonie d’enterrement. Devant le cercueil, Zengen devant demande à son maître :

— Mort ou vivant ?

Dōgo lui répond :

— Je ne saurais dire, je ne saurais dire…

Sur le chemin du retour, Zengen dit à son maître :

— Maître : mort ou vivant ? Maintenant vous devez me répondre ou je vais vous frapper.

Et Dōgo répond à nouveau :

— Je ne saurais dire, je ne saurais dire…

Et Zengen frappe son maître, sur la route.

Philippe Coupey, mon maître, commente ce kōan et dit : « C’est l’esprit du moine zen. Au milieu des différentes espèces, au milieu des différentes personnes, il ne fait pas distinction. »

Il dit ensuite : « Quel plaisir, quand on est un homme, de se rendre compte qu’on est aussi une femme, quel soulagement ! Et j’imagine que ce doit la même chose quand on est une femme et qu’on se rend compte qu’on est un homme. »

Quand les différentes espèces n’ont pas de distinction claire à nos yeux, quel soulagement ! On arrête de voir les séparations comme des impasses, des barrières, on arrête d’être seul dans ses petites distinctions personnelles.

Il y a une suite à l’histoire de Zengen et Dōgo que je trouve très intéressante.

Des années plus tard, alors que Zengen était moine dans le temple d’un autre maître, Sekisō, et que son maître Dōgo était mort, on vit Zengen se promener dans le temple avec une bêche. On lui demande :

— Mais qu’est-ce que tu fais avec ta bêche ?

Il répond :

— Je cherche les sarira, les ossements sacrés de mon maître.

Il cherche une petite pierre précieuse que l’on trouve dans les bûchers funéraires des Bouddhas, des bodhisattvas, des grands moines. C’est ça que cherchait Zengen.

Il avait manqué l’occasion de comprendre l’enseignement de son maître, il avait même frappé son maître. Et plus tard, quand il a compris l’enseignement, il était condamné à rechercher cet enseignement partout, sans pouvoir le trouver.

Du vivant de son maître, il voulait qu’il réponde à sa question, avec ses catégories à lui. Comme le maître n’enseignait que la Voie transmise, il ne pouvait pas répondre. Alors le disciple a frappé le maître et plus tard il l’a regretté.

La morale est assez évidente, je pense, mais parfois il est bon d’entendre des évidences. Voici cette morale : profitez maintenant de l’enseignement que l’on vous dispense, pratiquez zazen, lisez des livres, écoutez l’enseignement. Pas la peine de trop parler, de trop commenter, pas la peine de mêler nos propres catégories et manières de voir, ça évitera de regretter plus tard les occasions manquées parce que nos maîtres seront morts.

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