La loi de la production interdépendante

Paul Hōjō Pichaureau

10 février 2023, 19 h

Dans le Soutra de la Pousse de riz, le Boddhisattva Maitreya explique à Shariputra la grande loi de la production interdépendante : «  Bouddha a dit : “Ô moines, voir les douze éléments de la production interdépendante, c’est cela que j’appelle voir le Dharma. Et voir complètement le Dharma, c’est cela que j’appelle voir le Bouddha.” »

Maitreya commence son explication en disant : « En premier lieu, Shariputra, je vais énoncer pour toi les douze éléments de la production interdépendante : l’ignorance conditionne les formations karmiques ; les formations karmiques conditionnent la conscience ; la conscience conditionne le nom et la forme ; le nom et la forme conditionnent les sources de perception ; les sources de perception conditionnent le contact ; le contact conditionne la sensation ; la sensation conditionne la soif ; la soif conditionne l’appropriation ; l’appropriation conditionne le devenir ; le devenir conditionne la naissance ; la naissance conditionne le vieillissement et la mort, la détresse, la souffrance, les lamentations et les douloureux affects. Ce qui est alors produit n’est qu’une immense masse de souffrance.

Quand cesse l’ignorance, ô Shariputra, cessent les formations karmiques. Quand cessent les formations karmiques, etc.... cessent le vieillissement et la maladie, la détresse, les lamentations, la souffrance et les douloureux affects. Quand tout cela cesse, cette immense masse de souffrance cesse aussi. »

Un peu plus loin, à mon sens, ça parle exactement de zazen. Qu’est-ce exactement que voir les douze éléments de la production interdépendante ? Pour reprendre les paroles de Bouddha : «  L’homme qui voit constamment que ces douze éléments n’ont pas de naissance ni de cessation, qu’ils n’agissent pas et ne créent pas de conditions, ils ne saisissent pas ni ne s’attachent, ils sont tels quels et vrais, sans distorsion aucune, apaisés, tranquilles, impavides, cet homme est un sublime grand être qui voit inépuisablement et sans répit que les douze éléments de la production interdépendante n’ont pas d’essence. Cet homme voit le réel.

S’il peut constamment voir ainsi que ces éléments ne naissent pas, ne cessent pas, n’agissent pas, ne créent pas de conditions, ne saisissent pas, ne s’attachent pas, ils sont tels quels et vrais, sans distorsion aucune, apaisés, tranquilles, impavides, cet homme est un sublime grand être qui voit inépuisablement et sans répit que les réalités n’ont pas d’essence. Il voit le suprême corps du réel, c’est un Bouddha parvenu au recueillement ultime du juste réel et de la juste sagesse. »

Dans l’école zen, on n’analyse pas tellement les choses comme ça. On dit : « Asseyez-vous bien droit, laissez se reposer votre corps et votre esprit dans la posture de zazen, laissez passer vos pensées. » On tranche toutes ces explications parce qu’on veut absolument éviter d’interpréter. Il y a un karma, il y a une conscience, il y a des causes et des conditions, il y a une forme qui apparaît puis s’éteint, il n’y a pas vraiment d’interprétation particulière à en donner. Il n’y a pas de divinité à l’œuvre, pas de malédiction, il n’y a pas un petit cœur qui souffre face au monde cruel. Il n’y a pas un grand héros qui affronte d’immenses dangers, qui les vaincra ou pas à la fin, il n’y a pas toutes ces histoires.

Notre esprit du moment, aussi prenant qu’il soit, n’est qu’un nuage de vapeur d’eau, emporté par le vent, éclairé par le soleil.

On peut y voir un homme fatigué du soir (je parle de moi-même)… On peut tout y voir, justement parce qu’il n’y a rien à voir.

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