L'esprit du début

Paul Hōjō Pichaureau

24 mars 2023, 19 h

Dans un texte ancien, un maître du Dhyana explique comment éviter l'engourdissement ou l'agitation. Il dit : « Si votre esprit est somnolent ou endormi, concentrez-vous sur le bout du nez. Si votre esprit est agité, concentrez-vous sur le bas du ventre ».

On trouve de nombreuses techniques dans la littérature, mais l'important est de ne pas rester agité ou endormi, de rester attentif. Dōgen, dans le Gakudō yōjinshū cite cette phrase : « Si la production de l'esprit n'est pas correcte, c'est en vain que l'on s'exercera à toutes les pratiques possibles ». Et Dōgen ajoute : « Qu'elle est juste cette parole ! ». Ce que maître Deshimaru commente ainsi : « Si l'esprit shoshin, l'esprit du débutant, n'est pas juste, toutes les actions deviennent vaines, dépourvues de toute authenticité ».

Maître Shunryu Suzuki a consacré presque tout un livre à shoshin[1].

Shoshin, l'esprit du débutant : l'esprit de celui qui arrive, qui découvre la pratique sans idée préconçues, qui n'attend rien et accepte l'enseignement tel qu'il le reçoit. Comme Maître Deshimaru le dit : « Lorsqu'on arrive dans la voie avec l'intention d'obtenir quelque chose, on se trompe complètement, zazen est complètement erroné. Même si on a à moitié envie d'obtenir quelque chose, zazen est à moitié erroné ».

Philippe Coupey, mon maître, a commenté ce passage lors d'une journée de zazen dimanche dernier. Pour Philippe, shoshin est surtout l'esprit du début plus que l'esprit du débutant, l'esprit de celui qui a tout à découvrir et à pratiquer. Dans le fond c'est l'esprit de celui qui ne cherche pas à satisfaire son égo par la pratique, qui ne cherche pas à devenir quelqu'un ou quelque chose. Deshimaru parle de ceux qui commencent, Philippe lui parle de ceux qui ont déjà 10 ou 15 ans de pratique. Il nous a dit : « À tout moment de la pratique il est facile de se laisser attraper par l'égo. Que l'on ait 5 ans, 15 ans ou 50 ans de pratique, il est toujours possible de se laisser attraper par l'égo, c'est-à-dire tout à coup de chercher dans la pratique à être quelqu'un, un personnage. »

Comment garder sho shin, l'esprit du début ? Dōgen a une réponse très claire : « Il faut pratiquer sous la direction d'un maître authentique. Seul lui pourra assurer que l'esprit avec lequel on pratique est juste, exact ». Philippe ne dit pas ça et dit plutôt : « Soyez attentifs à l'ego qui envahit la pratique. »

À propos de shoshin, l'esprit du débutant, je dirais que l'on se trompe soi-même, en permanence. Un débutant se corrige facilement et volontiers. C'est peut-être ça, l'esprit du débutant. C'est peut-être cet état d'esprit-là qu'il faut savoir retrouver.


  1. Suzuki S. Esprit zen, esprit neuf. Paris : Points, 2014. ↩︎

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