Zazen Yōjinki (1)
31 mars 2023, 20 h
Pendant quelques kusen, je vais vous lire des passages du Zazen Yōjinki. C'est un texte de maître Keizan qui se traduit par quelque chose comme : « Recueil de recommandations pour la pratique de zazen. » C'est un recueil de points auxquels il faut veiller.
Maître Keizan est le dernière cité parmi les 57 patriarches. À la fin de cette liste, il y a Eihei Dōgen, Koun Ejō, puis Tettsū Gikai et enfin Keizan Jōkin.
Keizan (1268-1325) n'avait pas du tout commencé à pratiquer dans le zen sōtō, qui n'était pas très important lorsqu'il est devenu moine. Il a fait ses études dans un temple du Yogācāra, puis il a rencontré le zen sōtō et c'est lui qui en a fait un zen populaire qui a pu se répandre partout au Japon. On dit que maître Dōgen a planté les racines et que Keizan les a cultivées. On dit que Dōgen est le père du sōtō et Keizan la mère du sōtō, celle qui prend soin et aide à grandir.
Voici le début du Zazen Yō-jinki :
Zazen est le moyen de clarifier la terre de l'esprit et de demeurer tranquillement dans son état originel . C'est ce qu'on appelle « révéler son véritable visage » et « manifester sa nature originelle ». Le corps et l'esprit tombent à bas , au-delà de la forme assise ou allongée.
Passant outre le bien et de mal, confondant les gens ordinaires et les sages, transcendant l'illusion et l'illumination, zazen ne connaît pas de différence entre les êtres sensibles et le bouddha.
Ainsi, rejetez tout engagement, abandonnez toute affaire, ne faites rien, ne fabriquez rien à partir des six sens.
Qui est-ce ? Son nom est inconnu ; on ne peut pas l'appeler « corps », on ne peut pas l'appeler « esprit ». Si l'on essaie d'y penser, la pensée s'interrompt. Si on tente d'en parler, les mots nous manquent. Tantôt ignorance, tantôt sainteté. Aussi haut qu'une montagne, aussi profond que l'océan --- sommet invisible, profondeur insondable. Le sans-pensée fait la lumière, le silence se manifeste. Assis totalement à travers le Ciel et la Terre, ce corps entier s'expose .
C'est un texte assez dense qui parcourt toute l'œuvre de Dōgen.
« Zazen est le moyen de clarifier la terre de l'esprit et de demeurer tranquillement dans notre nature originelle. C'est ce qu'on appelle révéler son véritable visage et manifester sa nature originelle »
Il y a quatre images : clarifier la terre de l'esprit, révéler son véritable visage, manifester sa nature originelle et y demeurer tranquillement. Quatre images qui désignent ce qu'on appelle aussi la « nature de Bouddha ». Deshimaru disait : « Vous pouvez l'appeler Dieu, vous pouvez l'appeler le cosmos, vous pouvez l'appeler comme vous voulez ». C'est la base de l'esprit.
Par exemple : « son véritable visage » fait référence à un kōan. Vous vous rappelez maître Eno le sixième patriarche. Il écrit son fameux poème sur le mur du temple, maître Daiman Konin lui eût transmis le kesa et le bol, de peur que les autres moines ne s'en prennent à lui et il recommande à Eno de s'enfuir dans la nuit. Un autre disciple de Daiman, un général, avait rattrapé Eno dans une zone montagneuse. Le général avait tenté de se saisir du kesa que Eno avait posé sur un rocher mais il était tellement lourd qu'il n'arrivait pas à le soulever. Eno lui dit : « Pourquoi es-tu là, pour ce kesa ou pour la Voie ? ». Le général avait répondu : « Pour la Voie, bien sûr --- Alors, sans penser, répond à cette question : quel est ton vrai visage avant la naissance de ton père et de ta mère ? ». Et à cette simple question le général connu l'éveil. Il s'est prosterné devant Eno et l'a pris comme maître.
Quel est notre véritable visage ? Pas celui que l'on présente aux gens, souriant avec les amis, sérieux avec les patrons. Quel est notre visage avant de dire « Bonjour ça va ? », avant même que l'on sache qui l'on va rencontrer ? Quel est notre visage lorsqu'on n'endosse aucun rôle, qu'on n'a aucun rang, quand on n'a rien saisi pour se fabriquer une image, une personnalité. Voilà, c'est ça zazen, s'installer tranquillement dans la non-saisie, dans ce moment où l'on arrête de choper les idées, les sensations, les souvenirs pour se fabriquer une forme, un visage, un corps, une pensée que l'on croit bien rangée, ordonnée, rationnelle.
Shin jin datsu raku, laisser tomber le corps et l'esprit, se placer au-delà de la forme assise ou allongée, au-delà de toute forme pour l'esprit comme pour le corps, au-delà de l'esprit calme ou énergique, concentré ou endormi.
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