Zazen yōjinki (2)

Paul Hōjō Pichaureau

2 avril 2023, 10 h

Je vais vous lire des passages du Zazen yōjinki. C'est un texte de maître Keizan, troisième maître du zen sōtō après maître Dōgen. À la fin de la liste des patriarches il y a Eihei Dōgen, Koun Ejō, Tettsū Gikai et enfin Keizan Jōkin. On estime que c'est lui qui a véritablement implanté le zen sōtō au Japon. On dit que Dōgen a planté les racines et que Keizan les a faites croître et prospérer.

Zazen yōjinki signifie : « Recommandations pour la pratique de zazen. C’est une sorte de résumé de tout l’enseignement de maître Dōgen, et ce n’est pas du tout par hasard si certaines expressions ou formulations rappellent le Shōbōgenzō, l’œuvre magistrale de maître Dōgen.

« Zazen est le moyen de clarifier la terre de l’esprit et de demeurer tranquillement dans son état originel. C’est ce qu’on appelle révéler son véritable visage et manifester sa nature originelle. Le corps et l’esprit tombent à bas — shinjin datsu raku — au-delà de la forme assise ou allongée. »

D’emblée Keizan se place au cœur de zazen. Maître Deshimaru parlait de l’état d’esprit hishiryō, au-delà des pensées, au-delà de toute forme que peut prendre notre esprit avant d’avoir un nom et un visage, avant d’avoir la moindre trace d’une illusoire identité. Il est absolument impossible d’atteindre cette nature originelle, cette réalité telle qu’elle est, par la réflexion, par le dialogue, par la recherche intellectuelle consciente ou par l’effort physique. C’est impossible. On ne peut pas la trouver dans la science, dans les livres ou à travers les témoignages des autres. On ne peut pas non plus la trouver dans la fréquentation d’un maître, même au bout d’une vie de pratique, après 5, 10 ou 40 ans de pratique de zazen, 40 ans dans un temple, 40 ans dans une grotte dans l’Himalaya. Ce n’est pas possible. Si cette nature originelle existe, on doit la trouver tout de suite, ici et maintenant. Toute autre méthode est, à mon avis, profondément désespérante.

Bien sûr, 40 ans de zazen sont mieux que 4 minutes, mais uniquement pour mieux connaître son corps et son esprit, son ego. Après 40 ans de pratique, on peut espérer avoir un esprit plus souple, se plonger en zazen sans fioriture, sans perte de temps --- mais c’est tout.

Dès la première seconde, on est au sommet de la montagne, face à son véritable visage.