Sankon zazen setsu (1)

Paul Hōjō Pichaureau

22 avril 2023, 10 h

Sankon zazen setsu de maître Keizan.

Je traduirais ce titre par : « Théorie de trois personnes qui pratiquent zazen ».

Ce texte présente trois points de vue sur la pratique de zazen, trois manières de l’aborder, et je pense que c’est une bonne chose que de se demander pourquoi et comment on aborde zazen. Philippe Coupey, mon maître, disait récemment que l’on peut pratiquer longtemps et se tromper complètement. Il faut être attentif à ça.

« La personne dont le zazen est du type le plus profond ne s’intéresse pas à la raison pour laquelle les Bouddhas sont apparus dans notre monde. Elle ne spécule pas sur des vérités qui n’ont pas pu être transmises par les Bouddhas et les Ancêtres. Ses vues ne tombent jamais dans aucun travers dualiste, rien ne l’obstrue, même lorsque des distinctions apparaissent.

Elle mange quand elle a faim, elle dort quand elle est fatiguée. »

De ce genre de personne, on pourrait dire qu’elle pratique zazen « naturellement, automatiquement », qu’elle a totalement mêlé zazen et la vie. On pourrait aussi dire que c’est une personne mushotoku.

« La personne dont le zazen est de type moyen renonce à tout et coupe toutes relations. Ou encore, elle se concentre sur un kōan, les yeux fixés, le regard posé sur un point précis, tel que le bout du nez. Des considérations telles que la vie et la mort, les allées et venues, ne se lisent pas sur son visage. Sans pensées dualistes, elle est éclairée.

Depuis toujours la sagesse est brillante, claire, resplendissante. L’univers entier, à travers les dix directions, s’illumine soudainement depuis son front, toutes les choses sont vues en détail à l’intérieur de son corps. »

Si la personne de type supérieur a totalement intégré zazen à sa vie, celle de type moyen s’active pour dépasser la dualité. Elle utilise zazen, pourrait-on dire pour étudier à fond les enseignements du Bouddha. C’est comme un feu intense dans lequel on jette toutes ses pensées dualistes, toutes ses idées, toutes ses opinions. Ce qui subsiste, s’il subsiste quelque chose, c’est l’essence de l’enseignement du Bouddha.

« La personne dont le zazen est ordinaire voit toutes les choses de tous les côtés et se libère des bonnes et mauvaises conditions. Des pensées mondaines peuvent surgir mais elles ne la dérangent pas, car son esprit est un miroir brillant sans trace d’ombre. Les préceptes découlent naturellement de zazen, qu’il s’agisse des cinq, des huit des grands préceptes du bodhisattva, des préceptes monastiques, des trois mille règles de conduite, des quatre-vingt mille enseignements ou du Dharma suprême des bouddhas et des ancêtres éveillés ».

Ce zazen ordinaire ne manque pas de sagesse. C’est un esprit qui reconnaît qu’il est ce que le monde ou la situation fait de lui. Cet esprit pratique zazen pour couper toutes les relations, pour agir correctement, c’est-à-dire agir à partir de la sagesse hannya, agir à partir de l’expérience du non-agir et du non-ego.

Trois visions de zazen : zazen comme l’action juste, l’action exacte à accorder au réel d’où découlent toutes les pratiques du bouddhisme ; zazen comme expérience ultime pour détruire tous les dualismes, comme une sorte d’exercice spirituel ou comme le moyen d’une profonde transformation de soi-même, par soi-même ; zazen comme respirer, se lever, manger, boire, marcher… zazen comme étendre et replier le bras.

Il ne faut bien sûr pas prendre ses trois visions comme trois catégories de personnes. Jamais un maître ne séparerait les êtres humains d’une telle manière. Chaque instant, chaque journée, on pratique zazen selon les trois genres, parfois par hygiène mentale, parfois parce qu’on se pose une question essentielle, parfois sans y penser, parce que c’est zazen et c’est tout.

Et la conclusion de Keizan :

« Aucune pratique, quelle qu’elle soit, ne peut être comparée à zazen. Si un seul mérite est acquis par zazen, il est plus important que la construction de cent, mille ou un nombre illimité de monastères. Pratiquer zazen, c’est s’asseoir sans cesse et, ce faisant, se libérer de la naissance et de la mort et réaliser sa propre bouddhéité cachée. Dans une parfaite aisance, aller, rester, s’asseoir ou s’allonger, voir, entendre, comprendre ou savoir sont tous des manifestations naturelles de la nature réelle. Du début à la fin, l’esprit est l’esprit, au-delà de toute dispute sur la connaissance et l’ignorance.

Faites simplement zazen avec tout ce que vous êtes. »

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