Une jarre de radis fermenté
9 juin 2023, 20 h
Dans la pratique de zazen, on dit que l'on revient à la condition originelle de l'esprit. On n'essaie pas de donner à notre esprit une forme ou une tournure particulière.
Certains disent qu'à force de pratiquer zazen on a l'esprit plus calme, on a moins de pensées voire pas de pensées du tout. Les personnes expérimentées en zazen, les grands maîtres ne disent pas du tout cela. Penser est la condition naturelle de notre esprit : les pensées apparaissent, se développent et disparaissent, comme des nuages dans le ciel. Surtout, on ne choisit pas ses pensées, on ne se dit pas « Celle-là, je l'aime bien, j'aimerais qu'elle reste encore, elle est belle, il faudrait que je m'en souvienne. » ou « Celle-là elle est vraiment trop gênante, vivement qu'elle parte, vivement que je m'en débarrasse. » On les regarde toutes passer sans les entretenir. Ou bien, au moment où l'on se rend compte qu'on les entretient, qu'on est partie prenante de nos pensées, on fait l'effort de s'en défaire. On essaie de revenir à la posture par exemple : aux genoux, au tranchant des mains, à la nuque, au regard, on redresse un peu le dos ou on tire les épaules en arrière.
On est depuis toujours habitué à chercher qui nous sommes dans les expériences que nous vivons. Une pensée nous traverse, on la juge angoissée et l'on se dit « Ah ! je suis une personne angoissée ». On est au milieu d'amis, on les fait rire et l'on se dit « Ah ! je suis une personne drôle. » ou l'inverse « Je ne suis pas une personne sympathique. ». Tout le temps, en toutes circonstances. On cherche des reflets de nous-mêmes, partout, tout le temps et plus particulièrement dans notre flux de pensées.
L'enseignement essentiel du bouddhisme, c'est de dire que l'on se trompe totalement. Il n'y a pas de personnalité fixe dont nos pensées seraient le reflet. Il n'y a pas d'âme, d'ego, il n'y a pas d'esprit ou je ne sais quoi qui nous habiterait et que nous aurions à comprendre ou deviner à travers les expériences de la vie.
Par la pratique de zazen, comme disait Gérard Pilet, on ne guérit pas notre esprit mais on se guérit de cette croyance en l'ego, cette croyance en un Moi.
Alors qu'est-ce que notre esprit ? Que sommes-nous exactement ?
Maître Kōdō Sawaki, un grand maître japonais du [xx]{.smallcaps}^e^ siècle, prenait l'image d'une grande jarre de radis fermenté. On râpe le radis, on l'empile dans des jarres, on met de l'eau et du sel, on ferme la jarre et on la laisse dehors. Jour après jour, le soleil la réchauffe et la nuit la refroidit. De temps en temps on ouvre la jarre, on presse un peu le radis, on rajoute de l'eau et on referme. Sans une personne qui râpe le radis, il n'y a pas de radis. Sans l'eau, le sel ou la jarre il n'y a pas de radis. Sans le soleil et la lune, il n'y a pas de radis. Sans une multitude de causes et de circonstances, il n'y a pas de radis, c'est-à-dire qu'il n'y a pas notre esprit.
Bien sûr à un moment donné nous avons agi et pris une décision, nous avons pris soin, mais ce n'est qu'une toute petite partie d'un immense processus.
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