Sandōkai (4)

Paul Hōjō Pichaureau

21 octobre 2023, 10 h

Le Bouddha, zazen, le Dharma, l'enseignement des maîtres, suivre un maître et la sangha sont des petits trésors. Dans les vers suivants du Sandōkai, on va aborder des questions plutôt intellectuelles, plutôt de l'analyse. Les vers suivants ce sont :

Les portes et les objets s'interpénètrent et ne s'interpénètrent pas. Lorsqu'ils s'interpénètrent il y a rencontre. Lorsqu'ils ne s'interpénètrent pas, chacun reste sur sa position. Dans l'obscurité le haut et le bas se confondent. Dans la lumière, le subtil et le grossier se distinguent.

Ces vers décrivent l'analyse psychologique de l'esprit dans le bouddhisme. Les portes ce sont les six organes des sens, les six consciences sensorielles. Et les objets ce sont les objets des sens. Il y a un objet et un organe pour voir cet objet, mais il faut aussi la conscience de la vision. On peut avoir un objet sous les yeux sans le voir. Il faut que notre esprit se concentre sur la modalité de la vision pour voir cet objet.

Quelqu'un vous parle et si vous ne faîtes pas attention, vous n'entendez rien. Quand vous faites attention, vous-même, tout votre être et cette parole s'interpénètrent et toute votre existence en est immédiatement transformée. Sur des paroles plaisantes on éprouve instantanément de la fierté et on est entièrement fierté. Si une parole est déplaisante, insultante, on est entièrement, immédiatement insulté. Un miroir exact, sans distance, sans même un dixième de seconde de réflexion. Et après ce contact il y a la suite. Il peut y avoir beaucoup de suites selon notre position karmique au moment du contact. Mais une chose est sûre, c'est que ce contact entraîne tout une cascade de conséquences, les chaînons de l'interdépendance. Et à la fin il y a le désir de renaître, la naissance, puis la déchéance, la maladie et la mort, le cycle du samsara. C'est vraiment une renaissance dans notre vie actuelle

« Ah il m'a dit ça, la prochaine fois que je le verrai je lui dirai ceci. Il pourra me répondre cela mais moi je dirai ça ». On veut renaître, on veut re-être, être d'une certaine façon et selon certaines modalités. Et pourtant, lorsqu'on revoit la personne qui nous a parlé, l'univers a entièrement changé. Et ce qu'on a transporté avec soi, cet ego illusoire que l'on a entretenu dans l'intervalle, nous éloigne de l'univers. On réagit selon l'égo et pas selon l'univers.

Ce n'est pas à vous que je vais apprendre que cela foire souvent.

Ce que je viens de dire là n'est pas dans le Sandōkai. Le Sandōkai continue en disant :

« Dans l'obscurité le haut et le bas se confondent.

Dans la lumière, le subtil et le grossier se distinguent »

Là il parle plutôt de l'intellect. Lorsqu'on ne porte pas un regard intellectuel sur une question, le haut et le bas se confondent., il n'y a pas de haut et de bas. C'est indistinct. Lorsqu'on porte la lumière sur un objet, on le classe, on le juge, on l'hiérarchise. Par exemple si on fait attention aux manières dans le dojo, on commence à dire untel fait comme ceci, untel fait comme cela. Un gasshō, deux gasshō, trois gasshō....et si on y réfléchit trop il va y avoir du subtil et du grossier. De l'exact et de l'inexact, de celui qui sait et celui qui ne sait pas.

Alors c'est bien de connaître cette analyse, ces distinctions, je pense que c'est important pour comprendre l'enseignement des maîtres. C'est important d'être capable de jeter un regard sur soi à la lumière de cette analyse. Mais il faut savoir aussi la trancher complètement.

En zazen on laisse tomber tout ça. On laisse tomber l'obscurité et la lumière, on reste dans la pénombre. Les analyses apparaissent, les distinctions apparaissent et on les laisse disparaître. On revient à l'état fondamental, l'état avant l'analyse, avant le contact, avant la conscience. Tout n'a pas besoin d'être expliqué ou éclairé. Toutes les situations n'ont pas besoin d'un ego déjà installé.

Dit autrement, la vie quotidienne, le samsara peuvent suivre zazen, c'est possible.

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