Sankon Zazen Setsu

Keizan Jōkin

Mon May 08 2023 02:00:00 GMT+0200 (Central European Summer Time)

Introduction

Keizan a rédigé ce traité alors qu’il se trouvait à Yokoji, dans la préfecture d’Ishikawa. Il est étroitement lié au Fukanzazengi de Maître Dōgen. Dans le Zazen yōjinki, Keizan développe l’enseignement de Dōgen.

Des manuscrits de cette œuvre ont été conservés pendant de nombreuses années à Daijoji, Yokoji et Sojiji. Mais personne n’en connaissait l’existence jusqu’à ce que Manzan, le grand érudit du zen sōtō, le redécouvreen 1680, alors qu’il se trouvait au Daijoji. Ajoutant un prologue et un épilogue, Manzan publia l’ouvrage au printemps suivant en même temps que le Keizan shingi (« Règles du monastère de Keizan »).

Traduction

La personne dont le zazen est du type le plus profond ne s’intéresse pas à la raison pour laquelle les Bouddhas sont apparus dans notre monde. Elle ne spécule pas sur des vérités qui n’ont même pas pu être transmises par les Bouddhas et les Ancêtres. Elle ne s’intéresse pas à des doctrines telles que « toutes les choses sont l’expression du soi », car elle est au-delà des concepts d’illumination et d’illusion. Comme ses vues ne tombent jamais dans aucun travers dualiste, rien ne l’obstrue, même lorsque des distinctions apparaissent.

Elle mange quand elle a faim, elle dort quand elle est fatiguée.

La personne dont le zazen est de type moyen renonce à tout et coupe toutes relations. Tout au long de la journée, elle n’est jamais inactive et ainsi chaque moment de sa vie, chaque respiration, est une pratique du Dharma. Ou encore, elle se concentre sur un kōan, les yeux fixés, le regard posé sur un point précis, tel que le bout du nez. Des considérations telles que la vie et à la mort, les allées et venues, ne se lisent pas sur son visage. L’esprit de discrimination ne peut jamais voir à travers les profondeurs de la vérité immuable ni comprendre l’esprit du Bouddha. Sans pensées dualistes, elle est éclairée.

Depuis toujours, la sagesse est brillante, claire, resplendissante. L’univers entier, à travers les dix directions, s’illumine soudainement depuis son front, toutes les choses sont vues en détail à l’intérieur de son corps.

La personne dont le zazen est ordinaire voit toutes les choses [sans limites] de tous les côtés et se libère des bonnes et des mauvaises conditions. L’esprit exprime naturellement la nature réelle de tous les bouddhas parce que le Bouddha repose à l’endroit précis où ses pieds reposent. Il n’y a donc pas d’action erronée. Les mains sont tenues dans le mudra de la Réalité et ne retiennent aucun sutra. La bouche est étroitement fermée, comme si les lèvres étaient scellées, et aucun mot de doctrine n’est prononcé. Les yeux ne sont ni grands ouverts ni fermés. Rien n’est jamais vu du point de vue de la fragmentation et aucune parole bonne ou mauvaise n’est entendue. Le nez ne choisit pas une odeur comme bonne, une autre comme mauvaise. Le corps n’est pas maintenu et toutes les illusions ont disparu. Lorsque l’illusion ne perturbe pas l’esprit, le chagrin et la joie disparaissent tous deux. Sa forme est celle d’une sculpture en bois du Bouddha, sa forme et sa substance sont toutes deux vraies. Des pensées mondaines peuvent surgir, mais elles ne la dérangent pas, car son esprit est un miroir brillant sans trace d’ombre. Les préceptes découlent naturellement de zazen, qu’il s’agisse des cinq, des huit, des grands préceptes du bodhisattva, des préceptes monastiques, des trois mille règles de conduite, des quatre-vingt mille enseignements ou du dharma suprême des bouddhas et des ancêtres éveillés.

Aucune pratique, quelle qu’elle soit, ne peut être comparée à zazen. Si un seul mérite est acquis par la pratique de zazen, il est plus important que la construction de cent, mille ou une infinité de monastères. Pratiquer zazen, c’est s’asseoir sans cesse et ce faisant, se libérer de la naissance et de la mort et réaliser sa propre bouddhéité cachée. Dans une parfaite aisance, aller, rester, s’asseoir ou s’allonger, voir, entendre, comprendre et savoir sont tous des manifestations spontanées de notre nature originelle. Du début à la fin, l’esprit est l’esprit, au-delà de toute dispute sur la connaissance et l’ignorance. Faites simplement zazen avec tout ce que vous êtes.

(Traduction français de Paul Hōjō Pichaureau, à partir de l'anglais.)

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